Le bâton de l’histoire après le balcon de l’espoir…? Abdoulaye Sabre Fadoul
L’ADN idéologique du PM et ses certitudes intellectuelles théoriques sont mis à rude épreuve depuis l’annonce subite de l’augmentation du prix du carburant et les premières interdictions des manifestations pacifiques de l’ère Masra.
Il faut concéder que la position du PM est des plus inconfortables car, comme un funambule sur une corde branlante, l’équilibre est quasi-impossible entre les excessives incantations vertueuses d’hier et les ingrates contraintes des responsabilités d’aujourd’hui. Cet équilibre est d’autant plus introuvable que l’accord de Kinshasa apparaît jour après jour non comme un accord sur des nobles principes altruistes mais comme un banal arrangement garantissant des poncifs nombrilistes. Là se trouve le péché originel du « masraisme », péché dont les manifestations strictement politiques seront décortiquées ultérieurement.
Nos autorités doivent bien saisir le ressort psychologique de cette réaction outrée et unanime des Tchadiens : indépendamment de son impact sur le coût de la vie, si le défunt Maréchal avait maintenu ces prix abordables à la pompe(y compris contre le diktat du FMI), c’est essentiellement parce que c’était le seul avantage direct et concret que les Tchadiens tiraient de l’exploitation de leur propre pétrole. Ce privilège élevé en cadeau social et en symbole politique fort depuis plus d’une décennie vient d’être brusquement arraché aux Tchadiens sous un Gouvernement dirigé par celui qui s’autogratifiait l’hyperbolique titre de « bouclier du peuple » il y a moins de 2 mois avant de se découvrir le talent de « boucher du social » une fois atterri sur le fauteuil convoité. Par ce fait, les Tchadiens paieront leur propre pétrole, extrait et raffiné sur leur territoire, plus cher que le pétrole qu’ils importaient jadis. C’est de là que naît cet irrépressible sentiment de trahison et de mépris que la rhétorique alambiquée du PM n’arrive pas à dissiper. Bel exploit !
Que notre PM ne dise pas qu’il « n’avait pas le choix et qu’il a été contraint » par on ne sait qui. Mr le PM, par expérience, nous savons que vous avez bel et bien le choix mais l’usage de cette liberté de choisir dépendait de votre force de conviction et du curseur de votre éthique politique que je n’imagine pas méprisable. Par expérience aussi, je vous comprends car la Primature vaut quelques renoncements. Par expérience enfin, je sais que votre conscience vous tourmente en ce moment.
Il n’empêche que vous pouvez encore sauver les meubles et vous prémunir contre le bâton de l’histoire : Il vous revient de consulter largement et de repartir vers le PT pour proposer les inflexions possibles si c’est ce peuple bafoué qui est censé elire librement ses dirigeants dans quelques mois. Je ne doute pas que le PT saura vous écouter si vous êtes imaginatif et persuasif dans votre rôle constitutionnel de celui qui définit et met en œuvre la politique de la nation. En effet, savoir s’amender pour une juste et populaire cause est un signe de noblesse et de sagesse et non une marque de faiblesse ! Sauf si la situation financière du pays est telle que le Gouvernement n’a d’autres alternatives que de piocher dans les poches trouées des Tchadiens qui ne sont pas tous des « V8istes » comme vous et moi. Auquel cas, ne racontez pas des balivernes infantilisantes qui trahissent votre malaise et qui desservent votre communication, mais parler vrai et agissez d’abord sur le levier des dépenses superflues de l’Etat ! Les Tchadiens sauront être rationnels et indulgents si les beaux vocables « justice et égalité » n’ont pas disparu de votre lexique depuis le 1er janvier 2024 et qu’ils continuent de vous servir de boussole.
Votre normalisation étant définitivement actée avec votre dernière assimilation du concept de l’ordre public qui vous était étranger, bon courage et pleins succès dans votre difficile tâche de PM d’un pays aussi complexe que le nôtre. ASF