TROPICAL INFO

Tribune : « fonctionnaires de la société civile, j’accuse », Djoret

0

Devrais-je plutôt dire: fonctionnaires de la Société Civile en âge de la retraite ou « hommes d’affaires sociales ». Je sais que mon écrit de ce jour soulèvera une levée de bouclier contre moi. Je sais aussi qu’en réponse à mon écrit, vous n’hésiterez pas à venir conjuguer au passé singulier tous les verbes d’action: j’ai été ceci, j’ai été le premier à faire cela, on m’a reproché ceci, j’ai fait la prison à cause d’un tel. Et à la fin je sais que vous allez terminer par conclure que: « le peuple Tchadien est ingrat » ou encore, « si vous voulez notre place, venez la prendre ». Certains n’hésiteront peut-être pas à me bloquer de leur compte Facebook, m’assassinant virtuellement tel un illustre chef de parti politique spécialiste de la conjugaison au passé sans jamais conjuguer au futur.

Mais dois-je, moi, me contenter de votre passé glorieux pour subir cette quasi-monopolisation de l’espace citoyen par des dinosaures que vous êtes, qui refusent de bouger les fesses pour faire place aux plus jeunes ?

Oui, JEUNES et AVENIR, voilà deux mots qui manquent amèrement à votre vocabulaire d’aujourd’hui. Vous avez été des braves, je peux en convenir, aux plus durs moments de la dictature, pour imposer la liberté d’expression, la liberté d’association, la liberté de presse, le respect des droits humains. Mais j’aimerais aujourd’hui vous poser la question: où en êtes-vous avec vos premiers amours ? Si vous vous refusez à répondre à cette question, moi, je vais répondre à votre place : aujourd’hui, vous conjuguez les verbes d’action au présent: vous raisonnez en termes de projets à lancer, de rapports à produire pour vos bailleurs de fonds, de colloques et de séminaires internationaux auxquels c’est toujours vous qui êtes conviés. Et entre quatre murs, il s’agit de factures à arranger entre vous et votre gestionnaire de compte, cet autre fonctionnaire de la société civile joufflues soigneusement choisis parmi « Parents Amis et Connaissances Proches » (PAC), et non pas parmi les plus qualifiés ou les plus engagés de votre association.

Votre association ? Vous souvenez-vous seulement de la noble mission que vous vous êtes donnez lorsque, fiévreusement, vous étiez en train de déposer le dossier de votre association au Ministère de l’intérieur ? Vous allez me parler de la dure réalité du terrain, de la difficulté à mobiliser le financement, à mobiliser les hommes. Chers fonctionnaires de la SC, ainsi donc, votre association ne se résume aujourd’hui encore qu’à votre personne ainsi qu’à ces quelques hommes que vous avez bien voulu garder autour de vous pour faire bonne figure ?

Ce qui vous fait vivre ? Vos relations privilégiées avec les ONG du Nord, avec les bailleurs de fonds qui, pour respecter certains principes, sont obligés d’accorder une partie de leur financement aux ONG locales, mais sont obligés aussi de fermer les yeux sur les principes de bonne gouvernance devant régir les ONG avec lesquelles ils devraient travailler. Tout comme ils ferment les yeux devant la mauvaise gouvernance et la longévité de notre très cher président fondateur pour lui octroyer trois fois plus que ce qu’il demande. Président fondateur du MPS, Déby l’est ; Président-fondateur de vos associations vous l’êtes également. Le peuple au nom duquel vous vous évertuez à mobiliser à l’extérieur ? Votre pauvre association qui méritait soutien ? Aux oubliettes! Vous êtes au mieux devenus des agences d’exécution « à but non lucratif », mais grassement payées de salaires, primes et indemnités et de frais de gestion dont vous ne rendez compte qu’à vous-même. Votre association ? Dites-nous combien d’adhérents vous avez ? Combien d’adhérents actifs vous en avez ? Vous avez peur des adhérents par trop actifs qui risquent de vous demander des comptes. La redevabilité ? Tout comme Deby et les siens, vous refusez systématiquement de vous soumettre à ses mécanismes en reportant systématiquement les assemblées générales ? Vous êtes devenus allergiques aux assemblées générales électives. Et tant pis si il n’y a pas d’adhérents, tant pis s’il n’y a pas de cotisations des membres. Les stratégies et plans d’actions de vos organisations ? Les projets des bailleurs remplacent tout. Et quand l’actualité se fait pressente, un communiqué de presse suffit pour justifier encore votre présence sur l’échiquier national. Oui, vous vendez au plus offrant votre marque sociale contre pièce sonnante et trébuchante, vous êtes devenus des hommes d’affaires sociales.

Pour certains d’entre vous, la manne ne vient pas des bailleurs de fonds et des Sociétés civiles du Nord, mais bien de l’Etat. Vous êtes rentrez, pour beaucoup, dans une relation des plus incestueuses avec l’Etat pour lequel vous devriez être un contrepoids à son pouvoir. Vous êtes dans dix, vingt commissions à la fois, vous représentez votre mouvement auprès d’institutions plurielles. CENI, CSRP, etc. sont devenus vos repères les plus sûrs. Malheur à votre organisation mère lorsqu’elle vous rappelle: vos cris d’orfraie traduisent votre mélancolie de devoir quitter une branche des plus vermoulues sur lesquelles vous êtes confortablement assis. Comment pourriez-vous sentir la misère qui s’est abattue sur le peuple tchadien quand vous, vous ne subissez jamais suppression de primes et indemnités ? Comment pourriez-vous sentir la douleur de Mayadine Babouri, de Juda Allanhongoum ? Comment pourriez-vous relayer les multiples exactions contre les droits de l’homme, contre le mariage forcé de la fille de Sarh, contre les violences conjugales, lorsque vous trouvez refuge sous les ailes larges et compatissants du dictateur ?

Entendez-vous seulement le peuple gronder ? Entendez-vous la direction du vent qui est en train de tourner ? Irez-vous dans la direction du vent ou contre la houle ?

En prenant la plume ce soir, j’aimerais t’interpeller sur l’avenir, cher fonctionnaire vieillissant de la Société Civile. Quand je jette un regard sur l’avenir de notre pays, mon visage s’assombrit, la joie me quitte, mon espérance d’un mieux-vivre pour mes enfants, pour l’avenir de la jeunesse semble me quitter. Le Tchad est aujourd’hui dans l’impasse. Les dirigeants se réfugient derrière le terme « vache maigre », mais ils ne montrent aucun signe qu’ils maitrisent bien la situation, qu’ils peuvent rendre la vache à nouveau grasse. Bien au contraire, la crispation est visible, les craintes se lisent sur tous les visages, les arrêtés d’interdiction de manifester pleuvent, secs. Les principes démocratiques sont bafoués, l’ANS a pris toutes les attributions et les parures de la DDS. Aux groupes chocs de l’UNIR, on a substitué une société civile (une autre) qui chantent les louanges du régime, soi-disant, pour appuyer l’Etat à mieux mal-gouverner. Je ne veux pas trop parler de ceux-là, parce qu’ils me dégoûtent, ces griots des temps modernes. Que dis-je, des reliques/mercenaires du système, jouant le rôle de trouble-fête…

Je ne parle pas non plus de ces associations de jeunes qui bougent chaque jour et qui, me semble-t-il, vous font dorénavant ombrage, qui sont sur la voix de vous détrôner auprès de vos bailleurs qui ont compris vos jeux et refusent aujourd’hui l’exclusivité avec vous. Je ne veux pas non plus parler de ces spécialistes qui sont nés parmi vous et qui aujourd’hui font la fierté de la société civile lorsqu’on les entend débattre des sujets du domaine de la société civile. Je veux parler de vous autres, sans vous nommer parce qu’il parait qu’on ne cite pas les contemporains. Mais vous vous reconnaissez certainement. L’on vous reconnait aisément. Il suffit que vous fixez le regard de votre concitoyen, si vous y découvrez un mépris naissant, alors c’est que vous y êtes. Incapables de vous unir, d conduire des projets communs, vous préférez vous mener des guerres de leadership….Bref.

Par-dessus l’impasse, sous un slogan trompeur d’un retour à la limitation du nombre de mandat, on est en train de nous servir, que dis-je, de nous imposer un nouveau contrat social, pour légitimer et légaliser tous les abus des 27 ans de règnes. Les principes républicains, la laïcité, les principes séparation des pouvoirs, l’indépendance des institutions, les principes de cohabitation entre les peuples, les valeurs de la famille, tout est remis à l’ordre du jour pour être remodelé au désir du Président-fondateur, et avalisé par un forum de prédateurs et de laudateurs cyniques.

Alors, face à cette monarchisation de la république qui avance, je voudrais nous appeler tous ensemble à un SURSAUT NATIONAL. Oui, il faut faire barrage à ces reformes de l’Etat qui n’ont d’autres visées que de prolonger le régime dictatorial. Honorons le préambule de notre Constitution: – « Proclamons solennellement notre droit et notre devoir de résister et de désobéir à tout individu ou groupe d’individus, à tout corps d’État qui prendrait le pouvoir par la force ou l’exercerait en violation de la présente Constitution ».

Alors, fonctionnaires de la société civile fatigués par une lutte devenue trop longue pour les quelques individus que vous êtes, sans base militantes, je vous appelle à faire place à la jeunesse à la tête de vos organisations. Cette jeunesse a besoin d’écrire elle-même sa propre histoire. Ne continuez pas à polluer le milieu de la société civile. N’incitez pas les jeunes à aller créer d’autres organisations, à poursuivre l’émiettement de la population, car, toute organisation nouvelle vient fragiliser l’unité qui devrait être de mise. Laissez la place, prenez la place de conseiller des membres du bureau, de sages et encadrez la nouvelle équipe, la nouvelle génération qui veut en découdre avec le régime, qui veut prendre la relève de votre lutte, qui veut achever votre lutte.

Mais j’aimerais vous proposer mieux. J’aimerais vous engager à vous présenter aux élections législatives et communales prochaines. Oui, parce qu’il est inconcevable pour moi que ces reformes de l’Etat puissent être conduits par des acteurs illégitimes, de l’Exécutif jusqu’au parlementaires. Le régime, sans l’avouer, est en train de s’exécuter par rapport à l’interpellation de la France qui a très bien compris le contexte et qui a exigé la tenue d’élections législatives au premier semestre 2018, (c’est à dire à faire en sorte que les reformes de l’Etat, s’il y en a, puissent se faire par des acteurs légitimes). Le MPS qui l’a compris est dejà en campagne sans proclamer un calendrier électoral comme l’a souhaité la France. On ne sent aucun signe de la part des partis politiques, tous dirigés par de fonctionnaires politiques eux-mêmes plus fatigués que vous. Mais je vous offre cette porte de sortie honorable. Prenons d’assaut l’Assemblée Nationale pour faire barrage à ces reformes pour la monarchisation de la République.

CAR, LA SEULE REFORME QUI VAILLE LA PEINE D’ETRE MENEE, C’EST LE RETOUR A LA CONSTITUTION DE 1996, modifié par un français dont on ne connaît pas le nom !


Comment cela pourrait-il en être autrement, lorsque nous sommes tous conscient qu’il nous faut oser le changement autrement que par les armes ? Comment cela pourrait-il être possible lorsque, tout comme les chefs de partis politiques, vous n’avez aucune base populaire ? Oui, oser le changement autrement a ses exigences.

 Djoret (10/11/2017)
https://www.facebook.com/601352374/posts/pfbid02CfhUTTRSoi8JSv1EeBBKoPDa4mrFNHHur1duGnMfH1P9xNYLb4vfCLqA61CnfxTTl/?mibextid=cr9u03

About The Author

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *