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N’Djamena : ces enfants, chasseurs de poubelles

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À N’Djamena, plusieurs enfants s’adonnent à des activités soient lucratives, soit loisir et autres. Mais une autre couche se livre à la poubelle pour trouver son compte. Reportage

Tôt le matin, certains  enfants de la capitale Tchadienne arpentent les artères de la ville question de survie. Des quartiers périphériques comme du centre l’on peut apercevoir ces enfants un peu partout. Ils prennent d’assaut les dépotoirs publiques et les carrefours à la recherche du bonheur peu importe la qualité de leur service. Des résidus des aliments, des boissons, des déchets plastiques, morceau de fer… sont arrachés de leur passage. Une pratique qui entre dans les activités quotidiennes de certains d’entre eux. « C’est depuis trois ans que je me débrouille. Chaque jour je collecte les bouteilles d’eau et cela me permet de gagner quelque sous à la fin de la journée », explique Haroun, adolescent à peine 15 ans.

Certains de ces chasseurs de poubelles, ne laissent rien. Après une journée pénible, Afleko est l’un de ces jeunes, âgé de 9 ans témoigne son aventure. « Moi, j’ai quitté mes parents, de suite de tortures. Je vis avec ma maman qui s’est remariée de suite de divorce. Son second mari ne m’estime pas. Tout le temps, je suis soumis aux durs travaux. Pour ma liberté, j’ai quitté la maison  pour retrouver les autres enfants de mon âge à Moursal. Malgré tout, je n’ai pas abandonné l’école. A la rentrée, je reprends le chemin de l’école. Cette année je vais faire 5e », raconte Faleko.

Selon cet ouvrier, les difficultés sont pour lui, une autre école. A cette période où les moustiques font leur loi, le camp de Afleko se drogue pour avoir le sommeil et ne pas sentir le froid ni les piqûres des moustiques. « A la tombée de la nuit, on fouille les résidus des bouteilles d’eau vide, les résidu des boissons abandonnées, les tasses et marmites dans les gargotes afin de trouver quoi à se nourrir », raconte-t-il avec un air joyeux.

Un phénomène qui ne laisse pas indifférent le tchadien lambda. Selon ce citoyen, le phénomène émane d’abord de la responsabilité des parents parce que, « s’ils se sentent incapables d’élever l’enfant, le mieux c’est de ne pas faire des enfants », s’indigne Grâce, une mère rencontrée non loin du stade de Paris-Congo. Elle poursuit sans perdre de vue que la société et les gouvernants ont eux aussi leur part de responsabilité. « Il n’y pas des centres de récupérations des enfants abandonnés. Alors où voulez-vous que ces derniers partent si n’est pas dans les rues ? ». Grâce promet, qu’elle est prête à suivre un enfant et s’engager pour sa réinsertion sociale même si les temps sont durs. Pour Nassar, « la rue n’enfante pas, ce sont des enfants des responsables. Parfois ce sont des pères de famille irresponsables qui laissent leurs enfants dans la rue. Certains de ces enfants n’arrivent même pas du tout à expliquer leur présence dans la rue, donc les raisons sont diverses.  

De Walia Ngosso à Kabalaye, c’est le trajet quotidien d’Abbas Dangar. Son aventure est différente. « Je ne dors pas au marché comme les autres. Pendant les vacances, je collecte les déchets plastiques (bidons tangui) et j’essaie de revendre pour me procurer un peu d’argent et je rentre à côté de ma mère et deux autres petits frères », confie-t-il. Abbas est conscient de ses études. « Quand les cours reprennent, je reprends aussi avec le chemin de l’école », témoigne-t-il tout en précisant que grâce à un de ses oncles paternels qu’il fréquente. Mais Abbas s’inquiète et se confie à Dieu. « Je demande à Dieu de garder cet oncle pour moi. Sans lui, je ne peux venir à l’école ». A peine terminer ses phrases, le garçon verse des larmes.

De Walia, on se retrouve à Diguel dans le 8e arrondissement. Ce n’est pas facile l’approche de ces enfants. Vers 9 heures, heure de N’Djamena, à la rencontre d’une équipe de 8 gamins avec des plastiques et des vieux fers collectés. A l’approche, certains se replient et le courageux s’ouvre à nous. Entre français et l’arabe local, la conversation est difficile. Toutefois le message est saisi. « J’ai 12 ans, je viens vers Moussoro. A N’Djamena, tout le monde se cherche. Je me cherche aussi. Mais le soir, je viens à l’école coranique. Notre travail, on cherche les bidons et les vendre avec les femmes vendeuses du lait », explique le jeune Nour. A la question de savoir combien gagne journalier le courageux Nour, « de fois 800, 550, 1 500 FCFA ». Pour ce dernier son papa ne l’a pas inscrit à l’école sauf l’école coranique. Nour rêve de devenir un grand marabou un jour.

Les pêcheurs de bouta  (bas-fond)

A Atrone dans le 7e arrondissement, Hilaire et son équipe vont à la pèche dans les marigots. Petits sacs en mains, des morceaux de tiges avec hameçons, cette équipe de pécheurs se jettent dans les eaux de boutas. Content devant l’appareil photo, Hilaire raconte. « On cherche les poissons et si on trouve une grenouille même on prend. Moi, mes amis ont fréquentent l’école Atrone mais comme les classes n’ont pas encore normalement commencées, on profite un peu quoi ». L’un d’eux se rend compte de danger. « Après la pêche on se lave avec l’eau propre et du savon pour dégager les saletés. Mais il arrive de fois où on gratte beaucoup le corps ».  

Le fait est sociologique

Le sociologue Mbeté Félix, évoque plusieurs raisons qui envoient les enfants dans les rues. « Les causes qui renvoient les enfants dans la rue sont souvent familiales. Compte tenu des difficultés, les enfants dont les parents décèdent, dans l’ancien temps les autres parents les prennent en charge, mais maintenant quand certains enfants vivent avec ces parents, ils sont maltraités par les parents adoptifs. Ils sont venus en ville parce qu’on croyait les scolariser mais ils sont soumis à des tâches domestiques et traités comme les petits esclaves et sont mal nourris. Voilà pourquoi ils quittent la maison ».

Une activité aux risques sanitaires

Tous se passent sur les poubelles, dans les eaux souillées, des endroits pollués. Ces enfants chasseurs ou pêcheurs courent des risques sanitaires. Dr Ngombaye Djaïbé, ancien ministre de la santé publique déclare, « quand on fouille dans une poubelle, on ne trouve que la saleté et on n’est exposé à ce qu’on appelle une infection. Toutes les infections sont dans des poubelles. Le meilleur endroit pour trouver EBOLA, le cholera etc », explique le médecin. Pour lui, ces enfants sont exposés à la tuberculose, les hépatites, la typhoïde, la gastroentérite. « C’est autant des choses qui font qu’on ne doit pas laisser les enfants dans la rue », ajoute-t-il.

D’un arrondissement à un autre l’on se rend compte que la situation est identique. Le nombre de ces enfants  dans les rues va grandissant. Mais rien comme structure de récupération n’est mise sur pieds à l’exception de Tchado Star et l’unique centre de Koundoul. Ces enfants qui regagnent la rue chaque jour, ne sont pas tous manqués des parents, d’autres en ont mais préfèrent la rue.  Comme une des solutions, Dr Djaïbé souhaite que l’État investi des moyens pour créer des centres de récupération des enfants maltraités ou abandonnés. « Il faut réagir par rapport aux maltraitances des enfants dans le monde entier cela se fait mais pourquoi pas ici », renchérit Dr Ngombaye.

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