Interview: » La révision du fichier électoral ne sera ni inclusive, ni exhaustive.. », Dr Moussa Pascal Sougui
Votre rédaction reçoit Dr Moussa Pascal Sougui, homme politique tchadien au sujet de la révision du fichier électoral, la cherté de vie, la proposition d’augmentation du prix de la scolarité et enfin proposition au gouvernement de transition de l’unité.
Interview.
1-Quelle analyse faites-vous sur la révision du fichier électoral en cours ? Puisse que la CONOREC a prouvé ses insuffisances et joue au deux poids deux mesures même dans le recrutement des agents enrôleurs, remarque la population.
Oui, comme l’activité d’enrôlement est très lucrative (60 000 FCFA de perdiem/jour), les membres organisateurs de la Commission Nationale Chargée de l’Organisation du Référendum Constitutionnel (CONOREC) sont partis dans les provinces avec leurs propres agents d’enrôlement recrutés à N’Djaména. Cette situation a provoqué dans certaines localités méridionales des situations de blocage lors du déploiement d’agents venus de la capitale. Les jeunes sur place dans les différentes localités considèrent que ce travail devrait normalement leur revenir.
Il n’y a pas que l’opacité autour du recrutement d’agents d’enrôlement, il y a aussi l’organisation en deux temps de l’opération d’enrôlement mise en place par la CONOREC, qui pose un problème de fiabilité du nouveau fichier électoral. Ce nouveau fichier concerne l’enrôlement de tous les Tchadiens qui ont atteint la majorité de 18 ans et de tous ceux qui n’ont pas été enrôlés en 2021 ou des électeurs qui ont changé de lieu de résidence. Les deux phases sont les suivantes : enrôlement du 24 juillet au 6 août dans les 7 provinces situées dans le sud du pays et enrôlement du 28 août au 16 septembre dans les 16 autres provinces situées au centre et au nord. Une telle organisation en deux temps ne respecte pas le principe d’inclusivité et d’exhaustivité. En effet, au moment où tous les jeunes qui sont nés entre le 7 août 2005 et le 16 septembre 2005, sont en train de se faire enrôler dans les provinces du centre et du nord, ceux des provinces du sud de notre pays n’auront ce droit au vote lors des prochaines élections car les listes sont closes depuis le 7 août dans cette zone méridionale qui est la plus peuplée du Tchad. Et les autres adultes qui étaient dans les champs en cette période des pluies qui coïncide avec la première phase, non plus, ne seront pas enrôlés. Combien sont-ils ces jeunes nés entre le 7 août et le 16 septembre 2005 dans les 7 provinces ? 100 000 ou 200 000 ou plus ? Et les autres qui étaient dans les champs ? La révision du fichier électoral ne sera ni inclusive, ni exhaustive, donc pas fiable pour des futures élections crédibles dans notre pays.
2- En tant que fils du Tchad, connaissant les difficultés que traversent les tchadiens, vouloir augmenter les prix de la scolarité n’est pas enterré l’école tchadienne ?
La gratuité de l’école publique et son caractère obligatoire pour l’enseignement fondamental sont garantis par la constitution et par la loi 16 de 2006 portant orientation du système éducatif tchadien. Malgré cette disposition, les chefs d’établissements scolaires continuent de fixer selon leurs convenances des frais d’inscription à chaque rentrée scolaire. Ces frais qui varient d’un établissement à un autre, peuvent être très lourds pour les familles modestes qui ont plusieurs enfants scolarisés à charge. Pour justifier les frais d’inscription réclamés aux parents, les chefs d’établissements sortent souvent des frais liés à l’achat des consommables et des manuels didactiques. Les sommes ainsi récoltées sont gérées sans une grande transparence par le Comité de Gestion des Etablissements Scolaires (COGES), regroupant l’administration et des parents d’élèves. Sur le principe, je ne suis pas contre que des parents cotisent d’une manière facultative pour financer des activités scolaires ou extrascolaires au sein de l’école de leurs enfants, mais je suis fermement contre des frais d’inscription obligatoires qui peuvent décourager les parents aux revenus modestes d’envoyer leurs progénitures à l’école. L’école de la République doit rester accessible à tous.
3- Que proposeriez-vous au gouvernement pour atténuer le problème de cherté de vie et de l’énergie ?
La cherté de la vie et du carburant est un phénomène mondial, mais au Tchad, il y a d’autres phénomènes plus ou moins mafieux qui sévissent et compliquent encore davantage la vie de nos concitoyens.
Avant au Tchad, il y avait des producteurs et des petits revendeurs qui viennent vendre les produits locaux directement sur le marché, ce qui permettait une concurrence loyale et des prix raisonnables. Maintenant, ce sont des grands groupes qui achètent tout, je dis bien tout, en gros à la sortie de N’Djaména jusqu’aux champs des cultivateurs pour créer ensuite une situation de monopole sur chaque produit. Je me rappelle encore, une année, à la veille de la fête de Tabaski, ils se sont organisés avec les militaires qui tiennent les barrières nord pour qu’aucun mouton ne soit acheminé à N’Djaména en dehors de leurs troupeaux. Donc c’est eux qui fixaient les prix d’achat et de vente du mouton. La situation est similaire pour les produits importés. Les « commerçants qui ne paient la douane » ont le monopole absolu et organisent de temps en temps des pénuries plus ou moins grandes pour faire flamber les prix d’une manière artificielle. Leur produit favori pour les pénuries est l’essence. Amon avis, le gouvernement doit lutter contre cette situation de monopole pour un retour du lien entre les producteurs et les consommateurs.
4- Que doit faire le gouvernement exactement pendant que le pays est en transition ?
Le gouvernement doit scrupuleusement suivre et appliquer les recommandations du cahier de charges de la transition.