Pipeline : la Cemac appelle le Tchad à céder une partie de ses actions dans Cotco
Le président de la Commission de la Cemac, Daniel Ona Ondo, a signé le 15 mai dernier la décision autorisant l’acquisition de Petronas Carigali Chad exploration & Production Inc par la Société des Hydrocarbures du Tchad (SHT). Cette décision, qui intervient après l’avis favorable du Conseil communautaire de la concurrence, permet à l’État tchadien, à travers la SHT, d’être officiellement en position dominante dans le système de production et de transport de son pétrole brut via le Cameroun. En effet, N’Djamena détient désormais 60% des parts dans le champ pétrolifère de Doba, 59,82% dans Tchad Oil Transportation Company (Totco), en charge du tronçon tchadien du pipeline (1 070 km) reliant le Tchad au Port de Kribi, et 53,77% dans Cameroon Oil Transportation Company SA (Cotco), en charge du tronçon camerounais de l’oléoduc et de l’infrastructure de stockage située au port de Kribi.
Le quitus des autorités de la Cemac (Cameroun, Tchad, Gabon, Congo ; Guinée équatoriale, RCA) a toutefois été subordonné à un ensemble d’engagements à prendre part la partie tchadienne en vue d’éviter que sa position dominante ne porte atteinte aux intérêts des autres parties prenantes. Il s’agit notamment de « rétrocéder à la Société Nationale des hydrocarbures du Cameroun, et à la demande de cette dernière, une partie de ses actions dans Cotco », peut-on lire dans la décision. Par ailleurs, en vue de maintenir la pluralité de la représentation des actionnaires au Conseil d’administration (CA) de Cotco, la SHT doit maintenir la composition du CA de Cotco à trois membres au moins et douze au plus. Aussi, la SHT est appelée « à ne modifier les statuts que dans le respect des textes régissant la concurrence au niveau de la Cemac et de l’acte uniforme Ohada relatif aux sociétés commerciales et aux groupements d’intérêts économiques », indique la décision.
Le document ne précise pas la proportion des parts qui est cessible par la partie tchadienne à la SNH. Il permet tout de même de constater que l’État du Cameroun pourrait avoir un peu plus d’influence dans cette infrastructure déployée à plus de 90% sur son territoire. Cela apparaitrait comme concession de N’Djamena après que son voisin ait finalement accepté de donner son avis favorable, nécessaire pour boucler la transaction avec Petronas.
Décrispation
Actionnaire à hauteur de 5,17% dans Cotco, Yaoundé a toujours émis le souhait d’acquérir plus de participations au sein de l’entreprise. Déjà en 2014, au moment du rachat par SHT des 25% détenus par Chevron, le Cameroun avait sollicité son voisin pour obtenir une partie de ces actifs. Une demande qui était restée lettre morte. Yaoundé va répéter l’exercice en 2022 après l’annonce par ExxonMobil et Petronas de la volonté de vendre leurs parts dans l’oléoduc. Deux délégations camerounaises se sont d’ailleurs rendues à N’Djamena conduites respectivement par le feu vice-Premier ministre Amadou Ali en avril 2022, puis par le secrétaire général adjoint de la présidence de la République, Paul Elung Che, en novembre de la même année pour négocier une part de ces actifs, convoités par le Tchad.
Face à la réticence de son voisin, le Cameroun, à travers la SNH, va conclure le 20 avril 2023 un pacte actionnarial avec Savannah Energy. L’accord, qui reste à valider, prévoit la reprise par la société pétrolière publique camerounaise de 10% des parts réputées acquises par la junior pétro-gazière britannique dans Cotco à travers le rachat des 41,06% d’actions du géant américain Exxon Mobil. Par ailleurs, le pays s’était abstenu d’émettre un avis auprès des autorités de la concurrence sur le projet d’acquisition des actifs de Petronas par la SHT, bloquant ainsi le processus.
Dans son communiqué du 20 avril, N’Djamena, estimant que les agissements de son voisin mettaient à mal les relations entre les deux pays, avait rappelé son ambassadeur pour « consultation ». Il faut dire que le pays s’oppose à l’acquisition des actifs d’Exxon Mobil au Tchad et au Cameroun par Savannah Energy, qualifié de « nébuleuse ».
Mais depuis lors, la visite au Tchad du SGPR camerounais suivie, le 19 mai dernier, de celle de son homologue tchadien au Cameroun permet de constater que les divergences entre les deux pays ont été aplanies. « Je pense que les bruits ont été solutionnés, les nuages ombrageux qui semblaient peser dans nos rapports ont été éclairés et le Cameroun et le Tchad voient désormais dans la même direction », a assuré Gali Ngothé Gatta au sortir d’une séance de travail au palais de l’Unité à Yaoundé, le 19 mai 2023.
TribuneEchos Avec Investir au Cameroun