Tchad: Un rapport dénonce l’exécution, la disparition, et la torture de manifestants
Six mois après la répression sanglante de manifestations au Tchad, l’Organisation Mondiale Contre la Torture (OMCT) et la Ligue Tchadienne des Droits de l’Homme (LTDH) publient un rapport d’enquête « Ils ont enlevé trois de mes fils » qui documente l’usage planifié et disproportionné de la force armée, la traque des opposants, les disparitions forcées et les déportations massives vers des lieux de détention où la torture a été pratiquée.
Trois mois d’enquêtes dans la capitale N’Djamena et les villes de Moundou, Mongo, Doba et Koumra, et une cinquantaine de témoignages de rescapés, de familles de victimes et de témoins oculaires, ont permis d’établir que la répression des manifestations du 20 octobre 2022 par les autorités tchadiennes s’est soldée par la mort de 218 personnes, des dizaines de torturés, des centaines de blessés, au moins 40 cas de disparitions et 1300 arrestations.
Les difficultés rencontrées par nos deux organisations pour accéder aux lieux des violences et le refus de nombreuses victimes de s’exprimer par crainte de représailles font que le bilan des violations des droits humains commises par les autorités tchadiennes le 20 octobre et les jours suivants est certainement sous-estimé.
« Ce 20 octobre 2022, désormais tristement appelé “Jeudi Noir” restera sans doute dans l’histoire comme la plus grande répression d’un mouvement pacifique de ces dix dernières années au Tchad », commente Maître Adoum Bourcar, Président de la Ligue tchadienne des droits de l’homme.
Les événements tragiques d’octobre 2022 s’inscrivent dans un contexte de confiscation du pouvoir par Mahamat Idriss Déby Itno, qui a succédé à son père Idriss Déby Itno, décédé le 20 avril 2021, après 30 ans de règne sans partage. La population, les partis politiques d’opposition et la société civile sont descendus dans la rue pour exprimer leur frustration à l’égard de Déby fils et de l’armée. Le gouvernement a réprimé les voix dissidentes par la force, comme Déby père l’avait fait auparavant.
Six mois après les faits, les autorités tchadiennes n’ont pris aucune mesure pour identifier les auteurs des graves violations des droits humains. Malgré les nombreuses allégations des victimes et des organisations de la société civile, aucune enquête n’a abouti à l’arrestation de suspects et rien n’a été fait pour apporter réparation aux victimes. Cette inertie concerne également les organismes régionaux et internationaux.
« C’est le massacre de trop que la communauté internationale, qui a souvent fermé les yeux par peur de déstabiliser la région, ne peut laisser passer. Il est urgent que les mécanismes régionaux et internationaux des droits humains adoptent des mesures permettant aux victimes d’obtenir justice et réparation », a déclaré Gerald Staberock, Secrétaire général de l’OMCT.
Notre rapport vise à compléter les informations déjà soumises aux différentes instances de défense des droits humains afin de soutenir leur travail d’enquête et d’obtenir des poursuites judiciaires contre les auteurs des violences du « Jeudi Noir ».
L’Organisation mondiale contre la torture (OMCT) est la principale coalition internationale d’ONG luttant contre la torture et les mauvais traitements. Elle compte plus de 200 membres dans plus de 90 pays. Son Secrétariat international est basé à Genève.
La Ligue tchadienne des droits de l’homme (LTDH) est l’une des plus anciennes organisations de défense des droits humains au Tchad, et membre du Réseau SOS-Torture de l’OMCT. Elle surveille et documente les cas de violations des droits humains au Tchad, notamment dans le contexte de la crise et d’usage excessif de la force.
OMTC